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Projet « Jeux coopératifs pour mieux vivre ensemble »

Projet Jeux coopératifs pour mieux vivre ensemble

L’école est le lieu où les élèves apprennent à vivre ensemble : la responsabilité, l’autonomie, l’ouverture aux autres, le respect de soi et d’autrui, la solidarité, la coopération. Toutes ces compétences sociales et civiques à acquérir seront indispensables tout au long de leur vie, au-delà de leur scolarité, pour réussir sa vie en société et exercer librement sa citoyenneté.

Vivre ensemble est par nature difficile.

Et pour les enfants porteurs de TSA ?

Le trouble du spectre de l’Autisme entraine le plus souvent des difficultés dans le domaine de la communication et des interactions sociales, un appauvrissement des relations. Les enfants porteurs de TSA expriment souvent un sentiment de solitude et le regret de ne pas avoir d’amis ou d’en avoir peu.

A la rentrée de septembre 2020, comme cinq nouveaux élèves suivis par le SESSAD allaient arriver à l’ULIS TSA de Crissey, les questions ont commencé à fuser :

  • Comment améliorer leurs capacités de communication, d’intégration dans un groupe déjà existant ?
  • Comment susciter les interactions entre eux et avec les autres enfants de l’école ?
  • Comment adapter sa pédagogie pour leur permettre de réussir ?

En tant qu’enseignante spécialisée au sein du SESSAD TSA, tout ce questionnement posé fin juin 2020 avec l’équipe pluridisciplinaire du SESSAD et l’enseignante du dispositif ULIS TSA a fait naître un projet collaboratif «Jeux coopératifs pour mieux vivre ensemble».

A la rentrée de septembre 2020, 5 nouveaux élèves suivis par le SESSAD arriveront à l’ULIS TSA.

Pour les aider à dépasser cela, il nous a paru essentiel de nous tourner vers des jeux coopératifs où la compétition n’est plus de mise et où le groupe doit se souder pour obtenir un résultat.

Qu’est-ce que le jeu coopératif ?

Il repose sur la poursuite d’un objectif commun pour tous les joueurs. Au lieu de jouer en opposition les uns contre les autres, les joueurs jouent conjointement ou ensemble pour réaliser un objectif commun, hors de tout esprit de compétition, qui ne sera réalisé que par l’entraide et la solidarité entre eux.

Objectifs du projet :

  • Plaisir de jouer sans gagnant ni perdant, s’amuser sans expérimenter de frustration liée à l’échec
  • Accepter l’autre comme un allié et faire équipe pour contribuer à la réussite de la tâche à accomplir
  • Valoriser les capacités de chacun et développer l’estime de soi
  • Communiquer pour établir une stratégie commune et se concerter pour trouver une solution à un problème

Finalité du projet

  • Temps de jeux coopératifs avec des enfants d’autres classes de l’école
  • Rencontre jeux coopératifs avec la participation des parents
  • Rencontre jeux coopératifs avec une autre classe (ULIS, IME…)

Mise en œuvre du projet

Le projet a débuté le mardi 15 septembre. La séance hebdomadaire dure 45 minutes, le mardi à partir de 15h 45, dans les locaux du dispositif. Elle regroupe les 8 élèves du dispositif, 2 enseignantes spécialisées (ULIS TSA/ SESSAD), 1 éducatrice du SESSAD et les AESH. En amont, des rencontres régulières entre la coordinatrice ULIS TSA et l’équipe SESSAD ont été organisées pour préparer les séances et les ajuster aux besoins des enfants (structuration du temps, de l’espace, outils visuels….). Une reprise du groupe a été faite en fin de période 1 avec l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire du SESSAD.

Séance de la période 1 (septembre/Octobre)

Pour rendre l’environnement sécurisant, chaque séance est ritualisée. Elle nécessite une organisation matérielle avec nombreux supports visuels et balisage, une visualisation du temps et du programme de la séance, une ritualisation de la communication :

  • Établir la communication avant de donner une consigne simple et concrète, utilisation de pictogrammes
  • Parler, de façon uniforme, en termes de comportements attendus

Pour certains enfants, les jeux suscitent des difficultés de coordination. La description et la démonstration des gestes nouveaux sont insuffisantes : guider le geste physiquement est à utiliser selon le degré d’acceptation de l’élève.

Rituel d’accueil : avant de rentrer dans la salle, chaque enfant visualise les tâches à réaliser au moyen d’un chainage de pictogrammes affiché sur la porte d’entrée. Dans la salle, les chaises qui accueilleront les enfants sont placées en cercle.

Pour marquer la présence de chacun, chaque enfant prend un petit bonhomme et le colle sur un visuel représentant le cercle des chaises.

Une fois tous les enfants bien assis, la séance peut commencer par un rituel : les enfants se passent un objet sonore et reproduisent un son.

Un emploi du temps visuel adapté aux compétences de chacun est affiché sur un tableau. Il aide à la compréhension du déroulement d’activités successives au cours de la séance et permet à l’enfant se projeter dans chacune d’entre elles.

Un grand timer permet de visualiser le temps qui passe. 

Pour créer une situation qui va nécessiter de la coopération et une émulation dans le groupe, le défi lancé est de découvrir Célestin petit fantôme qui permettra aux enfants de regarder une vidéo de ses aventures à la fin de la séance. Pour chaque jeu, les enfants doivent atteindre un objectif commun.

1er jeu : les paires

Objectif commun : obtenir un jeton de couleur pour remplir la silhouette du chien

Déroulement : Faire découvrir les cartes aux enfants. Ils découvrent que les animaux sont tous par 2. Plonger les animaux dans un sac, puis chaque enfant prend une carte. Au signal, l’enfant doit chercher son double, lui donner la main et se placer dans un cerceau. Une fois la paire constituée, chaque duo reçoit un pion de couleur. Il complète la silhouette du chien avec celui-ci. Puis, on recommence. La partie est finie quand le chien est complété.

Difficultés repérées : temps de latence nécessaire pour certains enfants, difficultés motrices pour changer de position, repères spatiaux difficiles à trouver, troubles attentionnels.

Réussites : augmentation de la motivation, désir de réussir, amélioration des relations pendant le jeu, entraide. Un joueur, parfois deux vont dire aux autres comment ils doivent jouer et les aider à organiser les déplacements.

2ième jeu : Pêcheur/ Filet

Objectif commun : gagner une pièce de puzzle pour réaliser le dauphin

Disposition

Les participants circulent librement dans l’espace délimité par le cercle de chaises.

Déroulement

L’animateur lance le jeu, les enfants circulent librement, lorsque l’enseignant montre lacanne à pêche ou le pêcheur, les enfants exécutent rapidement les figures alternativement énoncées.

Canne à pêche : les participants forment un cercle, le plus grand possible, en se donnant la main

Pêcheurs : les participants se regroupent rapidement par deux.

A chaque figure réussie, le groupe remporte une pièce de puzzle.

Une fois la figure exécutée par tous, l’enseignant relance le jeu et les participants circulent à nouveau, jusqu’au nouvel arrêt et à la nouvelle figure annoncée.

La partie est finie quand toutes les pièces du dauphin sont placées.

Difficultés repérées : s’engager pour faire une ronde, réagir à un signal et s’organiser spatialement, accepter le contact de l’autre, passer d’une consigne à l’autre

Réussites : développement de la motivation et de l’émulation collective, plaisir de réussir ensemble, meilleur expression des émotions (cris de joie, gestes de victoire…), atmosphère de confiance, bonne compréhension des consignes

3ème jeu : coopérons en parachute

Objectif commun : découvrir les pièces restantes de Célestin petit fantôme

La vague : Demandez à tous les enfants de prendre une poignée du parachute. Tout le monde se place en petit bonhomme et, au signal de l’enseignante, les enfants se lèvent à tour de rôle en levant le parachute avec eux pour faire une vague.
La mer : Chaque enfant prend une poignée et il s’agit simplement d’agiter le parachute. Commencez par des vagues toutes douces pour augmenter progressivement la force et terminer avec une véritable tempête en mer!

Le bateau : placer la balle sur la toile. Le but est de la faire rouler vers un partenaire sans qu’elle sorte de la toile. L’entraide est importante au sein du groupe.

La partie est finie quand Célestin est découvert.

Difficultés repérées : difficultés praxiques pour tenir le parachute, manque de force, difficultés gestuelles,

Réussites : prise de conscience que les actes de chacun ont des conséquences sur les autres, amélioration de la communication, de l’expression de leurs émotions et de l’entraide à la réussite collective

Rituel de fin (retour au calme) Avez-vous vu ce que j’ai caché derrière mon dos ?

Disposition : les joueurs sont placés en cercle assis sur des chaises. Des objets connus des enfants sont placés au sol au centre du cercle.

Déroulement

L’enseignante montre et nomme chaque objet. Elle désigne un enfant qui deviendra le meneur de jeu. Celui-ci dit aux autres : «Fermez les yeux ». Les enfants ferment les yeux. Pendant ce temps, le meneur choisit un objet et le cache derrière son dos, puis il demande : « Ouvrez les yeux, quel objet se cache dans mon dos ? ». Il interroge ses camarades qui lèvent le doigt. Celui qui trouve devient meneur. Le rituel dure environ 5 minutes.

Difficultés repérées : permanence de l’objet, théorie de l’esprit, tour de parole, expression de la consigne, tenir le rôle de meneur de jeu, décalage pour suivre la consigne, manque d’inhibition

Réussites : respect des règles, motivation grandissante, meilleures capacités attentionnelles, respecter les codes sociaux pour demander la parole

Visionnage de l’épisode de Célestin dans l’espace Cinéma de la classe

Rangement de la salle par tout le groupe

Débriefing

A l’issue de chaque séance, un débriefing va constituer un moment propice à l’expression des difficultés relationnelles apparues au cours du jeu, puis à une réflexion sur les solutions à envisager entre les enseignantes, l’éducatrice du SESSAD et les AESH.

Ce temps suscite le débat autour de questions telles que :

  • Comment les enfants ont vécu l’activité ?
  • Se sont-ils sentis à l’aise dans les différents jeux ? Pourquoi ?
  • Quelles stratégies ont-ils mis en place pour répondre aux consignes ?

Comme a pu l’écrire Vincent Castagnino dans l’article « Regards croisés sur l’accessibilité des apprentissages en classe » la mutualisation des regards croisés des professionnels (enseignantes, éducatrice, AESH) permet « d’envisager conjointement des stratégies et des outils adaptés aux besoins des élèves ». Entre la première et le cinquième séance, plusieurs séances de préparation ont permis à chaque adulte de faire part de ses observations et de proposer des adaptations, des outils visuels, une meilleure organisation spatiale et temporelle pour favoriser la progression des enfants. La reprise du groupe avec l’équipe pluridisciplinaire du SESSAD donne à chaque professionnel des pistes de travail pour aider chaque enfant à progresser et à transférer des apprentissages travaillés en séance individuelle vers le groupe jeux coopératifs dans le dispositif. Les outils visuels utilisés pour structurer le temps et l’espace, la ritualisation de la séance et le lancement d’un défi commun sont indispensables.

A l’issue de cette première période, nous pouvons observer que la plupart des enfants s’investit dans l’activité, ils s’amusent sans expérimenter de frustration liée à l’échec.

Ils commencent à accepter l’autre comme un allié et faire équipe pour contribuer à la réussite de la tâche à accomplir.

Ce n’est que le début, nous espérons que l’expérience à venir nous réservera de belles surprises….

Béatrice Poiseau
Enseignante spécialisée SESSAD-TSA Virey-le-Grand
Karine Lebrun
Enseignante spécialisée ULIS TSA Crissey
En collaboration avec l’équipe du SESSAD TSA de Virey-le-Grand

Un escape game …

… sur certains pièges qui nous échappent

À l’issue de deux séquences de français, l’une en lecture compréhensive, l’autre sur l’utilisation du dictionnaire, j’ai décidé de proposer à mes élèves d’ULIS collège une séance récapitulative sous la forme d’un escape game. Il s’agissait également d’amorcer une transition vers l’un des objectifs de la séquence suivante, à savoir mener une coopération efficace.

 

La ludification des apprentissages participe de la pédagogie du détour dont l’intérêt se révèle double : proposer une situation originale et stimulante d’une part, soumettre une tâche complexe d’autre part. Le recours au jeu en contexte scolaire, bien que présentant un caractère attractif au premier abord, doit éveiller la vigilance chez l’enseignant, a fortiori quand il a en charge des élèves en difficulté. En effet, de nombreuses recherches ont largement démontré les quiproquos qui s’installent dans l’esprit de ces derniers lorsque l’objectif d’apprentissage d’une activité n’a pas été explicitement défini1 : tandis que ceux-ci se cantonnent dans le faire, leurs camarades plus connivents avec le système scolaire dépassent la tâche et réussissent les sauts cognitifs nécessaires à la compréhension des enjeux du savoir enseigné.

Ainsi, pour éviter que mes élèves demeurent enkystés à la surface de l’activité proposée, j’ai bien pris soin d’expliciter les objectifs visés avant de leur faire résoudre l’escape game que je leur avais concocté. Ils étaient au nombre de cinq2 :

 

  • comprendre un texte à partir d’informations explicites ;
  • comprendre un texte en faisant des inférences ;
  • comprendre un texte en faisant appel à des connaissances personnelles ;
  • reconstituer la chronologie d’un récit ;
  • utiliser un dictionnaire.

Bien que plongés dans une situation stimulante où il devaient s’échapper de la pièce – sans quoi ils étaient condamnés à périr d’un gaz mortel – mes élèves ne devaient pas perdre de vue qu’il s’agissait avant tout pour eux de réinvestir à bon escient les stratégies que nous avions étudiées au cours des dernières semaines. Trente minutes précisément leur étaient accordées pour se sortir de ce pétrin ; la projection au tableau du compte à rebours et la diffusion en fond sonore d’une bande musicale oppressante et ponctuée du rire sardonique du terroriste, accentuaient le stress. En ayant pris soin également de soigner les supports et les artéfacts (police cursive, code maçonnique, puzzle circulaire, formule mathématique ésotérique, cryptex…), j’ai réussi à embarquer tous les élèves dans le scénario… et dans le travail de résolution des énigmes. Chacune d’elles, a priori standard, avait été rendue complexe par tout l’habillage décrit plus haut, ce qui nécessitait impérativement de coopérer pour terminer dans le temps imparti.

 

Pendant ce temps-là, mon rôle a uniquement consisté à les observer. Aucune aide sinon celle de leur rappeler qu’ils disposaient de dictionnaires et d’un ordinateur.

 

Au bout du compte, ils sont tous morts ! Seulement trois des cinq énigmes ont été résolues. Il s’agit alors d’analyser ensemble ce qui s’est passé lors dun debriefing, qui constitue la phase la plus importante d’une séance pédagogique basée sur le jeu. On objective alors avec eux les stratégies employées, on retisse les liens avec les séances de cours plus classiques. Sans cette étape, une séance escape game est vaine. Quelles énigmes avez-vous solutionnées ? Lesquelles vous ont posé problème ? À quel élément de cours cette énigme faisait-elle appel ? Comment vous y êtes-vous pris ? Pourquoi ? Comment auriez-vous pu faire autrement ? Comme le défend le chercheur Éric Sanchez, on n’apprend pas simplement en jouant, mais davantage à partir du jeu3. L’enseignant exerce alors pleinement son rôle d’éducateur en aidant à formaliser les savoirs qui étaient sous-jacents.

C’est d’ailleurs au cours de cet échange collectif que les élèves ont pris conscience de la principale origine de leur échec, à savoir leur total manque d’organisation. La coopération, ça ne s’improvise pas. Dans un escape game, le travail en équipe passe par une répartition des rôles de chacun. Au départ, il aurait fallu prendre connaissance de toutes les énigmes afin de déterminer les binômes chargés de résoudre telle ou telle. Au lieu de cela, les élèves avaient papillonné d’une table à l’autre, délaissant complètement une des énigmes car d’apparence moins attrayante. En outre, le fait qu’une énigme ait débouché sur une réponse erronée a fait émerger l’idée d’organiser une vérification par un autre binôme. Cette analyse des erreurs et la détermination des solutions à instaurer constitue un levier d’apprentissage puissant4.

Ces conseils d’organisation essentiels doivent être sollicités de nouveau par la suite, pas nécessairement lors d’un autre escape game. Pour ma part, quand je leur demande de coopérer – par exemple, lors de l’étude d’un corpus documentaire au CDI – en amont de la séance, ils doivent rappeler les principes d’un travail efficient et je les écris au tableau. Ce n’est qu’à ce prix que cette compétence, plutôt transparente et rarement enseignée en tant que telle, devient une routine. Le jeu remplit alors tout son rôle médiateur.

1Lire à ce propos les travaux menés par l’équipe Escol, avec Jean-Yves Rochex, Elisabeth Beautier, Stéphane Bonnéry ou encore Jacques Crinon.

2Les quatre premiers sont relatifs à la méthodologie énoncée par Sylvie Cèbe et Roland Goigoux dans leur ouvrage Lector & Lectrix, aux éditions Retz (2020).

3Eric Sanchez et Margarida Romero, Apprendre en jouant, collection Mythes et réalités, Retz, 2020

4Jean-Pierre Astolfi, L’erreur, un outil pour enseigner, collection Sciences Humaines, ESF, 2020

Stéphane Clerc,
professeur coordonnateur d’ULIS
collège Jacques Prévert (Chalon-sur-Saône)

Regards croisés sur l’accessibilité des apprentissages en classe.

L’anthropologue Charles Gardou définit l’école inclusive comme la construction d’une « maison commune » au sein de laquelle chaque élève, dans toute sa singularité, a d’ores et déjà sa place. Il invite à travailler de l’intérieur des « plans inclinés de tout ordre », à savoir des aménagements, notamment pédagogiques, ajustés aux besoins de chacun et favorisant les apprentissages de tous.

Comment alors édifier cette maison commune ? Comment  faciliter l’accès aux apprentissages pour tous? L’enseignant de la classe doit-il affronter seul la difficulté de ses élèves à Besoins Éducatifs Particuliers (BEP), ou n’y a-t-il pas là une formidable occasion de croiser les regards entre professionnels et de construire à plusieurs l’espace-classe ?

Dans cette maison commune qu’est l’école, l’enfant est membre d’une classe, soit d’un groupe de pairs ayant généralement le même âge que lui et engagés dans la même maîtrise des éléments d’un socle lui aussi commun. Défendre l’idée d’une maison pour tous, c’est aussi faire la promotion d’une logique d’accessibilité des apprentissages (des situations pédagogiques, des supports….) au sein même de cette classe, permettant la réussite de chacun, notamment des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Or, si les enseignants responsables des élèves suivis par le RASED ont vocation à penser et construire cette logique d’accessibilité, les enseignants spécialisés à dominante pédagogique en sont également les promoteurs et les co-constructeurs. Par leur regard, leur expertise, leur accompagnement des élèves en difficulté, ils concourent, avec l’enseignant de la classe, à la réflexion concertée sur les pratiques de classe. C’est ce que défendent Laurent Lescouarch et Serge Thomazet*, tous deux membres du Conseil Scientifique de la Fédération Nationale des Maîtres E (FNAME). Pour les deux chercheurs, certaines pratiques de classe accroissent parfois les difficultés des élèves, particulièrement de ceux qui en souffrent déjà. A contrario, ce regard croisé permet l’élaboration de méthodes pédagogiques et la construction de stratégies permettant de dépasser les difficultés éprouvées face à certaines activités en les rendant à la fois plus accessibles et donc profitables à tous, particulièrement aux plus fragiles. Les variables contextuelles sont particulièrement explicatives dans les travaux portant sur les inégalités de réussite à l’école.

Pour l’ancien maître E Laurent Lescouarch, dont les travaux de recherche portent sur la co-intervention des enseignants du RASED, cette rencontre des points de vue est rendue possible tout d’abord par le dialogue, le débat sans jugement. C’est par la confiance réciproque que chacun s’autorise à exposer sa pratique et ses réflexions à l’avis de l’autre, cette mutualisation étant favorisée par la co-élaboration d’un projet commun.

Cette rencontre est également rendue possible lorsque l’enseignant à dominante pédagogique du RASED a accès à l’espace-classe. Là, par son observation de l’élève in situ, il apprécie d’autant mieux le contexte dans lequel évoluent les élèves (pédagogie mise en œuvre, dispositifs et supports proposés, etc.), et par sa co-intervention in vivo, les aptitudes et difficultés de chacun (interactions, connaissances, stratégies utilisées, attitudes) et notamment de l’enfant en difficulté. Cette immersion dans un des principaux lieux d’apprentissage lui sert de base de réflexion, avec l’enseignant de la classe, pour envisager conjointement des stratégies et des outils adaptés aux besoins des élèves, et compatibles avec les pratiques de la classe. Elle lui donne également des pistes, s’il intervient en regroupement d’adaptation, pour aider l’enfant à se projeter vers sa réussite lorsqu’il retrouve ses pairs (transfert des apprentissages du regroupement d’adaptation vers la classe).

Tout le monde bénéficie de ce regard croisé. D’une part, les études et comparaisons internationales montrent que la recherche d’équité se traduit par une meilleure efficacité globale de l’enseignement. Ainsi, la prise en compte des difficultés scolaires de certains profitera à l’ensemble du groupe. D’autre part, pour Laurent Lescouarch, avec ce regard croisé, l’enseignant de la classe, ne se retrouve plus seul face aux situations qu’il propose et qui parfois peuvent entraver la réussite de certains élèves de la classe, éprouvant ou non des BEP. La co-intervention avec l’enseignant du RASED peut également faciliter l’observation des difficultés des élèves, par exemple, avance le chercheur, lorsque l’enseignant du RASED prend momentanément en charge le groupe permettant à l’enseignant de la classe d’observer plus finement ses élèves en situation. De ces moments partagés peut naître une émulation nouvelle autour de la compréhension des différentes problématiques.

La construction de cette maison commune est donc une co-construction. Dans un rapport de confiance mutuelle, en se retrouvant dans l’espace-classe, enseignant du RASED et enseignant de la classe, mettant en commun leur expertise, concourent conjointement à l’évolution positive du contexte d’apprentissage, et cela en faveur de la réussite de tous.

                                                                                                                                                                                         * Intervention au colloque de la FNAME à Niort, octobre 2020.

Vincent Castagnino, RASED Chalon Nord
Candidat libre au CAPPEI.
Manuel Buttard, RASED Gergy
Enseignant spécialisé, chercheur associé à l’IREDU
(Institut de Recherche sur l’Éducation, Université de Bourgogne)

C’est à plusieurs qu’on apprend tout seul

Mon parcours est quelque peu singulier puisque, enfant, j’ai profondément détesté l’école.

Peut-être est-ce dû à la posture de mes enseignants et enseignantes qui méprisaient la pensée et rejetaient la parole des élèves dont ils avaient la responsabilité. Peut-être aurais-je dû davantage m’adapter et ne pas questionner cette absence d’éthique professionnelle ?

Pour autant, j’ai toujours placé l’éducation au centre de mes valeurs pour sa visée émancipatrice. Porté par une volonté de contribuer au changement et sûr d’être en accord avec les valeurs de notre institution, j’ai décidé de devenir « instituteur », celui qui institue, et apporter ma pierre à cette structure sociale et politique appelée Education nationale.

Placer l’élève au centre du système éducatif et permettre à chacun de devenir auteur de ses apprentissages au sein d’un parcours scolaire adapté m’a conduit à penser l’enseignement autrement. L’individualisation du travail n’étant possible, à mes yeux, qu’en se décentrant et en organisant la coopération en classe, c’est par nécessité que je me suis tourné vers les pédagogies développées par Célestin FREINET et Fernand OURY.

Ma pratique a dès lors pris appui sur les principes suivants :

– Faire de l’hétérogénéité des élèves une richesse en enseignant en classe de cycle « multi-âges » afin de multiplier les personnes ressources ;

– Former véritablement les élèves à l’entraide (ne pas donner des solutions, faire verbaliser son camarade, travailler sur des exemples, etc..) ;

– A partir d’un plan de travail hebdomadaire, mettre en œuvre des entrainements individualisés guidés par les ceintures de compétences validées par l’enseignant. Ainsi chaque élève s’entrainait à la maitrise de compétences reconnues de son niveau par les couleurs de ceintures ;

– Faciliter l’entraide sur des temps informels durant lesquels les enfants rencontrant des difficultés pouvaient solliciter l’aide de camarades reconnus experts (à l’aide d’un affichage recensant les compétences de chaque élève dans chaque domaine scolaire) ;

– Proposer des activités coopératives et fédératrices autour de projets portés par le groupe classe ou des groupes d’élèves (conférences d’élèves, textes libres, conseils de classe, jeux coopératifs, etc…).

J’ai ainsi, durant 10 années, préparé la classe pour faire de cette mini société, un endroit de repères, de sécurité, de vie, d’échanges, de débats, d’engagements, d’initiatives, d’égalité des chances, de coopération, de construction des futurs citoyens où c’était à plusieurs que l’on apprenait seul.

Une question reste cependant en suspens : combien de mes élèves deviendront professeurs des écoles et pourquoi ?…..

Jérôme François
IEN Mâcon Nord

L’académie de Dijon engagée pour l’inclusion

La rentrée scolaire 2020 s’inscrit dans le droit fil des orientations prises lors de la conférence nationale du handicap, le 11 février 2020, à l’occasion du 15ème anniversaire de la loi de 2005.
L’accompagnement des élèves et la communication avec les familles sont un des objectifs de l’académie pour une rentrée scolaire pleinement inclusive.

Les rendez-vous de l’inclusion permettent de donner à l’ensemble des acteurs de l’école, des espaces de paroles répondant à toute question relative au développement de cette notion d’école inclusive.

Organisés tous les 15 jours, à 17 h 30, ces rendez-vous rassemblent des enseignants spécialisés (en ULIS en second degré, SEGPA, unités d’enseignement relevant du secteur médico-social), des directeurs adjoints de SEGPA, conseillers pédagogiques ASH et psychologue de l’Education nationale. Ils ont vocation à intégrer des personnels experts dans le domaine de l’éducation inclusive, dans et hors Education nationale afin de répondre aux sollicitations des acteurs de l’enfance à besoins particuliers dans une démarche active, agile, et la plus horizontale possible.

Calendrier & thématiques

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Les premiers RDV de l’inclusion
Replay

D’autres suivront tout au long de l’année.
1) Aborder le handicap sans stigmatiser :
https://be1d.ac-dijon.fr/mediane/m/1195/d/m/e/webm
2) Évaluer un élève « extra-ordinaire » :
https://be1d.ac-dijon.fr/mediane/m/1201/d/m/e/webm
3) Aider son enfant à faire ses devoirs :
https://be1d.ac-dijon.fr/mediane/m/1196/d/m/e/webm

Pour les prochains RDV, voici le programme

3 novembre – 18h00-19h00 : Comment motiver son enfant si l’école n’a pas de sens pour lui ?
https://cvirtuelle.phm.education.gouv.fr/inclusion_parents
17 novembre – 18h00-19h00 : Quels outils pour vous aider, en tant que professeur chargé de la classe ? Comment aborder certaines notions en fonction du type de handicap ?
https://cvirtuelle.phm.education.gouv.fr/inclusion_enseignants-accompagnants

Interview de Monsieur le DASEN – Parler, se parler – 09 septembre 2020

Monsieur le directeur académique, merci de nous consacrer un peu de temps pour répondre à quelques questions.

M. Ben : Parler, se parler, c’est profond, cette thématique. Cela peut nous conduire bien au-delà des situations de handicap. Ce travail que vous conduisez, il est finalement valable pour tous… C’est important.

En cette période de crise sanitaire, que vous évoque le fait de devoir parler avec un masque ?

M. Ben : Je trouve qu’on redécouvre les autres de façon différente. Le masque nous prive d’un certain nombre de composantes de la communication. On redécouvre les yeux, les gestes. Pas le toucher, bien sûr, qui est mis à mal par les gestes barrière. On perçoit davantage le rôle des lèvres maintenant qu’on ne les voit plus. Cela modifie l’aspect émotionnel de l’échange.

Vous évoquiez le lien entre détention de la parole et le pouvoir. Est-ce que ceux qui ne parlent pas, ou peu, n’en ont pas ? On rencontre parfois des enfants non ou peu verbaux. Comment prendre en compte ce qu’ils ont à dire ?

M. Ben : Celui qui a la parole exerce un certain pouvoir, c’est évident. Le pouvoir de capter l’attention, le pouvoir de transmettre. Je crois que ces élèves non-verbaux parlent autrement, par une communication non verbale, avec le regard, le toucher… Selon leurs capacités d’expression, ils exercent un pouvoir sur le destinataire du message. Cela renvoie à la diversité des situations de langage.

Vous évoquez le non verbal dans l’échange. Peut-on parler sans mots ?

M. Ben : Bien sûr, on peut parler sans mots. Pédagogiquement, les yeux, le regard, sont très utiles. La prise en compte du non verbal est fondamentale. Dans la relation pédagogique, un des constituants du lien entre les élèves et le maître, c’est le regard porté sur les enfants, la reconnaissance de chacun d’eux. Maintenant qu’on ne distingue plus les expressions du visage, cette dimension est encore plus importante.

Dans un échange non-verbal, qu’est-ce qu’on risque d’interpréter ? Dans l’enseignement spécialisé, cela nous questionne chaque jour.

M. Ben : Dans un échange, on risque toujours d’interpréter. Il n’y a jamais une, mais des lectures, des écoutes, des interprétations. On n’a pas l’habitude de gérer son regard. Il faudrait s’astreindre à la même régulation pour le regard que pour la parole, où l’on porte son attention sur le contenu et sur la forme.

L’équipe de circonscription ASH a la volonté de donner de la place à la parole. Pour parler le handicap, nous engageons des actions particulières, chaque 3 décembre, pour marquer la Journée internationale du Handicap. Quel regard portez-vous sur ces actions ?

M. Ben : Le même regard que je porte sur toutes les situations extraordinaires qui n’ont de sens que si elles relaient un ordinaire quotidien. Ce qui est frappant dans ce qui est mené ce jour-là, c’est la mise en valeur d’un travail de plus longue haleine, qui renvoie à des valeurs, bien sûr, mais aussi à un travail ordinaire quotidien, qui trouve là un terrain d’expression maximal. Je suis pour ce genre de journées, dès lors que, derrière, ou en amont, il y a un travail de fond. Toutes les manifestations organisées à la DSDEN à l’occasion de la journée du handicap ont été l’occasion, pour les personnes qui y participent, de découvrir une réalité par des situations proches. Cela met en avant les immenses richesses du travail mené par votre équipe, que ce soit en termes de formation des équipes enseignantes, ou dans les établissements, les dispositifs d’inclusion, ULIS et SEGPA, les établissements spécialisés. Cette mise en valeur est fondamentale. D’ailleurs, le fait que l’animation se traduise par une installation, au sens artistique du terme, que ce soit sur le plateau, voire au-delà (pour cette année, nous espérons mobiliser les autres administrations hébergées à la cité), c’est à mon sens un moment indispensable de la vie du département. Chaque fois que j’ai pu participer à ces ateliers, j’ai tiré beaucoup de bonheur à la vue de cet engagement. Le message, c’est qu’au-delà de l’installation, qui est extraordinaire, il y a cet ordinaire qui montre qu’il y a plus de choses qui rassemblent que de choses qui différencient. Je ne conçois la prise en compte de la situation de handicap qu’à partir du moment où on s’appuie sur ce qui nous rassemble, nous rapproche, pour ensuite travailler sur ce qui nous différencie et qui peut justifier un traitement spécifique. Cette journée-là a vocation à rappeler tout ça. Elle nous montre qu’après tout, on peut tous contribuer, on peut tous agir. Et ça, c’est formidable.

Parler et se parler quand on est sourd ou malentendant

Parler et se parler quand on est sourd ou malentendant

La communication revêt une importance particulière et un enjeu très important pour les personnes sourdes. Considérons ici que la communication va se développer sous plusieurs  modalités, en fonction du type et du degré de surdité:

  • la communication non verbale, donc exclusivement basée sur la Langue des Signes Française (LDSF), qui, rappelons-le, est un mode de communication à part entière, avec sa propre syntaxe. Les personnes utilisant ce mode de communication vont quasi exclusivement échanger entre elles (communauté sourde) mais beaucoup moins avec les personnes oralisantes (barrière de la langue). Précisons aussi que ce mode de communication, en plus d’être basé sur la LSF, fait largement appel aux mimiques faciales. Comme l’importance primordiale de la prosodie (intonation, débit et « rythme » de la parole, nuances dans l’intensité…) chez les oralisants, ces expressions faciales sont tout autant cruciales pour faciliter la compréhension. D’ailleurs, la gestuelle chez les oralisants renforce beaucoup les indices donnés par la voix. Dans un groupe de personnes signantes, il est très facile de former des duos/trios… qui vont parler en même temps de choses totalement différentes, alors que dans un groupe oralisant, si plusieurs personnes parlent en même temps, le brouhaha engendré empêche la bonne intelligibilité des discours. La LSF, au même titre que le français oral, permet donc de parler et de se parler, mais uniquement entre personnes maîtrisant la LSF. Notons cependant que les mimiques gestuelles, associées aux expressions faciales, peuvent permettre une communication basique entre oralisants et signants.
  • la communication verbale : Le développement et l’acquisition du langage oral chez les personnes sourdes, mais appareillées ou implantées, va se faire à divers rythmes, en fonction de la précocité du dépistage ainsi que du type de surdité et du gain prothétique engendré par l’appareil ou l’implant. Ces outils vont, dans la plupart des cas, permettre une réception des indices acoustiques. Mais réception/perception ne veut pas dire compréhension : la personne appareillée/implantée va devoir apprendre à mettre du sens sur ces sons, et c’est là tout le travail de l’orthophonie. Plus le dépistage est tardif, plus le bain de langage est retardé (il peut être absent ou parcellaire, en fonction du degré de la surdité), ce qui a des conséquences énormes sur l’acquisition de la parole. Il est donc fréquent que chez ces personnes, l’intelligibilité et la prononciation du langage émis soient impactées : syntaxe approximative, phonèmes mal prononcés, stock lexical faible, prosodie absente… Tous ces obstacles vont compliquer la compréhension de l’interlocuteur de la personne sourde.

On constate quasi systématiquement un décalage entre la réception du message oral et la production : alors que la réception et la compréhension de l’oral peuvent être satisfaisantes, la production orale arrive souvent bien après, en étant de plus impactée négativement. A l’inverse, il est possible de rencontrer des personnes qui, ayant été appareillées ou implantées très tôt (quelques mois après la naissance), vont parvenir à une production orale sans aucun préjudice. Il sera plus difficile à l’interlocuteur de « soupçonner » une surdité.

Une personne sourde, à la condition que des outils de compensation soient mis en place rapidement et qu’il y ait un suivi permettant un bénéfice optimal de ceux-ci, va donc pouvoir communiquer oralement avec un interlocuteur. Cependant, il faut des conditions particulières pour favoriser et optimiser la réception et la compréhension de la personne sourde en situation de communication :

    • Avoir un seul interlocuteur, si plusieurs personnes parlent en même, il n’y aura quasiment aucune compréhension par la personne sourde, et bien souvent elle restera passive et n’osera pas parler, par peur d’être moquée car elle évoquera quelque chose totalement hors contexte.
    • Limiter au maximum les bruits parasites ambiants. L’utilisation d’un micro HF par tout interlocuteur (professeur, camarade, parents…) est une vraie aide pour la personne malentendante : la parole sera bien mieux mise en valeur, plus distincte, et les bruits parasites seront diminués.
    • Utiliser au maximum les mimiques, les expressions faciales, ne pas hésiter à « théâtraliser » son discours… tout indice visuel sera une aide précieuse et participera à un contexte plus compréhensible pour la personne. A ce titre, le français signé, lorsque les personnes en situation de communication ont un petit bagage de signes, est très aidant également.
    • Au lieu d’utiliser un vocabulaire trop simpliste, essayer d’appuyer les mots techniques, peu fréquents par l’emploi de plusieurs synonymes. Faire de même lorsqu’un livre est lu à la personne.

Pour finir sur la communication avec une personne sourde, il est très rassurant pour elle de ne pas se sentir dévalorisée (ne pas montrer d’agacement ou de comportement moqueur lorsque l’on ne comprend pas bien les mots qu’elle emploie). Rappeler fréquemment que faire répéter un mot n’est pas gênant. Ne pas croire que si la personne est appareillée ou implantée, elle entend tout et comprend tout : être plus vigilant, s’assurer de la bonne compréhension au fil de la discussion.

Par notre attitude, on peut donner envie à la personne sourde d’entrer en communication : aller vers elle, ne pas commencer en la questionnant sur sa surdité. La prévention joue un grand rôle : la personne sourde prendra très rarement les devants et n’osera pas parler de ce qu’elle ressent. C’est pourquoi, en accord avec elle, il est bénéfique de venir discuter avec la classe de ce handicap. On constate un soulagement important chez la personne sourde et une bienveillance naturelle de la part de ses camarades va ainsi l’encourager à rentrer encore davantage en communication, et à être beaucoup moins sur la défensive.

 

Thomas GÉRARD,
enseignant du CROP
Centre Ressource de l’Ouïe et de la Parole

« Parler sur… »…grâce à l’explicitation

L’explicitation est un geste professionnel indispensable aux élèves qui sont fragiles scolairement. Ce geste permet en effet d’accompagner à la fois les élèves à besoins particuliers dans leur raisonnement cognitif, ainsi que les élèves issus des milieux défavorisés dans l’ identification des causes possibles d’incompréhension.

Expliciter donne à l’enseignant la capacité de lever les malentendus et les implicites qui se cachent tout au long d’une journée de classe. Ainsi l’enseignant aide tous les élèves à comprendre ce qui est attendu d’eux.

Expliciter c’est « Parler sur » ce qu’on est train de faire pour en prendre conscience ; « parler sur » les consignes, sur les attendus ou sur les apprentissages ; « parler sur » les procédures ou sur les connaissances… mais aussi « parler sur » ses émotions, son ressenti… ou encore sur les liens qui existent entre la vie dans la classe et celle en dehors.

Expliciter c’est par exemple :

…demander à Nelson ce qu’il apprend quand il colorie en bleu un département de la carte de France.

…donner à la classe les mots-clés qu’on voudra voir apparaître dans l’évaluation sur le Moyen-âge.

Emre qui reformule la consigne avec ses mots.

le maitre qui explique à Lucie comment son erreur d’accord dans la dictée va lui permettre de réussir la prochaine fois.

Noah qui dessine ce qu’il a dans sa tête quand il récite sa poésie.

…montrer à la classe une vidéo ou une image de l’océan avant de commencer une lecture dont l’histoire se passe au bord de la mer.

Mais Expliciter c’est aussi…

la maitresse qui identifie avec ses élèves ce que veut dire « être sage », « être attentif » ou « être concentré »…

le maitre qui revient sur sa colère du matin quand il a cru que Marion allait se blesser avec les ciseaux.

Solal qui raconte qu’il veut progresser en calcul mental pour aider sa mère à rendre la monnaie aux clients du magasin.

Abigaël qui explique à Tom ce qu’elle ressent quand il se moque d’elle.

Prise en charge parfois par l’enseignant, parfois par les élèves, l’explicitation est au cœur des apprentissages.

Dans sa classe, l’enseignant doit chercher à initier et à encourager cette habitude de travail.

Cela prend du temps…mais ce temps n’est jamais perdu, puisqu’il permet à chaque élève d’apprendre, de comprendre, et d’accéder au sens de chaque instant passé à l’école.

Références :

Par Delphine Mémet,Conseillère pédagogique de la circonscription de Mâcon Nord

Parler, se parler… et si on commençait par apprendre à s’écouter !?

Ou l’écoute active

Pour savoir écouter… commençons par éviter quelques barrages à la communication que nous utilisons tous car c’est la plupart du temps ce que nous avons reçu !

  • Ordonner, commander, exiger
  • Menacer, effrayer
  • Moraliser, sermonner
  • Conseiller, proposer des solutions
  • Donner une leçon, fournir des faits
  • Juger, critiquer
  • Féliciter, passer de la pommade
  • Ridiculiser, donner des sobriquets
  • Interpréter, analyser
  • Rassurer, sympathiser, consoler
  • Enquêter, questionner
  • Eluder, faire diversion, traiter à la légère

Attention, il ne s’agit pas de dire : « Il ne faut plus jamais utiliser tout cela pour communiquer ! », simplement avoir conscience que lorsqu’un conflit éclate ou qu’une personne est en tension, ces façons de communiquer bloquent et crispent la discussion. Ces réponses me portent à :

  • me renfermer, m’arrêter de parler,
  • à me défendre, à résister,
  • elles me laissent un sentiment d’infériorité,
  • elles suscitent en moi de la rancune, de la colère,
  • elles me portent à me sentir coupable ou méchant,
  • elles me fait sentir que je ne suis pas accepté tel/telle que je suis,
  • elles me donnent l’impression que l’on m’infantilise,
  • elles me font sentir que je ne suis pas compris,
  • elles me donnent l’impression que mes sentiments semblent injustifiés, je me sens frustré,
  • j’ai l’impression que celui qui m’écoute n’est pas intéressé.

Mais que dire alors ? Rien ou presque rien !

Alors écouter c’est quoi ?

  1. L’écoute passive

L’Autre a besoin d’écoute, d’un silence attentif et de la présence de notre regard ; c’est-à-dire d’une écoute qui lui permette d’avancer dans sa tête, de se libérer du poids de ses sentiments, de faire le tri dans son vécu et peu à peu de trouver ses propres solutions (si, si même un jeune enfant en est capable !!).

Un exemple avec une écoute juste passive, pour mieux se représenter les choses :

Enfant : Aujourd’hui, on m’a envoyé au bureau du principal-adjoint

Parent : Ah oui ?

Enfant : Oui, mon prof trouvait que je parlais trop en classe.

Parent : Je vois.

Enfant : Je ne supporte plus ce vieux dinosaure ! Il s’assoit là, et passe son temps à nous raconter ses problèmes ou ceux de ses petits-enfants. Il s’attend en plus à ce que nous soyons intéressés. Il est tellement ennuyeux…Tu ne le croirais pas !

Parent : Mm-hmm.

Enfant : On reste assis à ne rien faire. C’est à en devenir fous. Pauline et moi, nous faisons des blagues pendant qu’il parle. C’est bien le pire prof que je connaisse. Ça m’exaspère d’avoir un aussi mauvais prof.

Parent : (Silence)

Enfant : J’ai de bonnes notes quand j’ai de bons profs mais quand je tombe sur quelqu’un comme lui, ça m’enlève le goût d’apprendre. Pourquoi le laisse-t-on continuer à enseigner ?

Parent : (Hausse les épaules)

Enfant : Je crois bien que je vais être obligée de m’habituer, car je n’aurai pas toujours de bons profs. Il y en a plus de mauvais que de bons, et si je me laisse décourager par les mauvais, je ne vais pas obtenir les notes qui me permettront d’entrer dans une bonne université. Je me fais du tort, j’en ai bien peur !

Par son silence, le parent a permis à l’enfant d’exprimer son sentiment, de se sentir acceptée et de trouver sa propre solution. Au contraire, il aurait bloqué la communication s’il avait répondu des formules du style : « Quoi, on t’a envoyé au bureau du principal-adjoint ? », « Eh bien, que ça te serve de leçon ! », « Ce n’est pas un si mauvais professeur. », « Tu devrais apprendre à te contrôler. », « Si tu veux continuer les études, tu ferais mieux d’apprendre à t’adapter à toutes sortes de professeurs. ».

  1. L’écoute active

Accueillir l’émotion qui est là simplement, et reformuler.

S’il pleure et que vous vous précipitez avec un « qu’est-ce qui se passe ? », vous l’obligez à vous raconter des faits, à donner la raison de son émotion. Il ne la connaît pas toujours, mieux vaut donc rester prudent et commencer par lui permettre d’exprimer ses larmes, en l’accompagnant d’un : « Tu as l’air bouleversé », etc.

Selon Thomas Gordon, il s’agit d’une présence attentive ponctuée de phrases reflets de ce qui est dit. Si l’Autre vous dit : « J’en ai marre, c’est chaque fois pareil, il se moque de moi et dit ensuite que c’est pour rire ! », vous pouvez répondre : « Tu en as assez, tu te sens vexé par ses paroles et ce n’est pas la première fois ? C’est ça ? » etc., cela lui permettra de se sentir accepté dans son/ses émotions et de développer son propos, en se sentant en confiance.

Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les faits qui sont importants, mais les sentiments qu’ils provoquent en nous.

Quels types de formulations utiliser ?

Pour commencer, se libérer des « pourquoi ? »

Si vous vous sentez démuni ou trop tenté de proposer des solutions ou des conseils à quelqu’un que vous voulez aider, testez ces formulations :

Refléter le vécu de la personne :

  • C’est difficile pour toi de …
  • Je vois que… (tu es triste, ça ne va pas aujourd’hui…)
  • J’imagine que… (tu es contrarié, fatigué…)
  • Tu es… (triste, en colère, inquiet…) ?
  • Tu te sens triste à l’idée de…
  • Tu aimes…

Ou faire des questions ouvertes :

  • Qu’as-tu éprouvé quand… ?
  • Qu’est-ce qui te rend le plus triste, en colère ? (Quand l’émotion est manifeste)
  • Qu’est-ce qui te manque le plus ?
  • Qu’est-ce qui te préoccupe le plus ?
  • Comment vis-tu cette chose/situation ?
  • De quoi as-tu le plus peur/le plus besoin ?
  • Qu’est-ce que tu peux faire ?
  • Comment puis-je t’aider ?

Pour conclure cette approche sur l’écoute active, base de la communication non-violente, disons que si ce n’est pas habituel pour nous, c’est une habitude à prendre, un entraînement qui porte ses fruits rapidement, qu’il y aura des essais-erreurs, des reprises différées, bref que c’est un apprentissage ou bien un apprend-y-sage !

Références bibliographiques :

  • Parents efficaces de Thomas Gordon
  • Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) de Marshall B. Rosenberg
  • L’intelligence du cœur d’Isabelle Filliozat

Par Laetitia Dumas,Conseillère pédagogique ASH

En direct des classes – Céline Rigaux pour « parler, se parler »

Venez jouer avec nous !

Et si cette année pour inclure, on jouait ? Jouer pour se rencontrer, pour échanger, pour parler et se parler, pour communiquer…

C’est la rentrée et je reprends pleine d’énergie et d’idéaux pédagogiques qui viendront se confronter (avec succès ou pas!) tout au long de l’année à la réalité de la pratique.

C’est la rentrée et j’expose en ce premier jeudi après-midi aux élèves d’ULIS présents le projet:

tous les premiers jeudis de chaque mois, entre midi et deux, les élèves d’ULIS volontaires pourront inviter leurs camarades de classe à venir jouer avec eux à des jeux de société dans la salle du collège dédiée à l’ULIS. Charge à eux de préparer à tour de rôle ( par binôme ou trinôme) cette heure de jeux: il faudra convenir collectivement d’un système d’inscriptions, réaliser des affiches, oser passer dans les classes, informer les camarades, répondre aux questions éventuelles, préciser l’organisation. Il faudra gérer les inscriptions, choisir les jeux, s’approprier les règles pour pouvoir les énoncer.

Le jour J, il faudra accueillir les camarades, initier, proposer, expliquer… Bref, il faudra se parler !

J’espère que cette heure de jeux mensuelle favorisera l’inclusion des élèves relevant d’ULIS au sein de l’établissement en développant d’une part leurs compétences psychosociales et d’autre part en
amenant les autres élèves à mieux situer et identifier le dispositif ULIS.

Quatre élèves se sont d’ores et déjà inscrits pour mener les deux premières séances de ce projet, je compte sur eux pour créer l’envie chez les autres. J’espère que par le jeu, invariant humain commun à toutes les cultures et les civilisations, les craintes et appréhensions qui freinent parfois la relation à l’autre s’apaiseront.

Si je peux jouer avec l’autre et partager un moment de convivialité avec lui, c’est qu’il n’est pas si différent !

Céline RIGAUX,
coordonnatrice ULIS Collège Saint-Éxupéry de Mâcon