« Mais Madame, comment on fait pour avoir un stage ? Je fais quoi, je vais voir dans un magasin, je dis ‘’bonjour c’est pour un stage’’ et c’est tout ? », questions légitimes de la part de cet élève de 4ème, inquiet pour son futur, qui voit ses camarades de 3ème se pencher sur le dossier de CFG. C’est ce type de question qui m’a poussée à faire travailler l’expression orale autrement au sein de l’ULIS collège accueillant des élèves présentant des troubles des fonctions cognitives.
En tant que coordinatrice d’un dispositif ULIS, je me suis rendu compte assez rapidement qu’il était nécessaire, pour mes élèves, pour leur investissement et surtout pour leur entrée dans le monde du travail, d’améliorer leurs compétences par le prisme du réel, du tangible et de l’utile. Cela touche de fait tous les apprentissages faits en cours, mais surtout la pratique de l’oral. Ce moyen de communication finalement très codifié nécessite en effet un apprentissage spécifique et régulier afin d’en maîtriser les rouages principaux. C’est pourquoi il a une place prépondérante au sein de mes cours.
Prenons l’exemple d’une demande de stage, réalisée alors par l’élève auprès d’un potentiel futur patron. Ce type de séance de travail, essentiellement à l’oral lui aussi, ne peut se dérouler comme une séance plus classique où l’on aurait une phase d’observation, de manipulation, de leçon… Il s’agit en effet, comme le précise Sylvie Plane dans son article du 31 août 2015 dans Les Cahiers Pédagogiques, « d’un ensemble de savoirs et de savoir-faire dont la maitrise s’ancre dans la pratique et l’analyse »1. Chaque enseignement doit être explicité selon son contexte, nécessairement précisé en amont. Nous devons en effet dès le départ savoir à qui l’on s’adresse, dans quel but, le degré de connaissances entre les interlocuteurs, mais également le lieu et le moment de la rencontre.
Pour cette séance en particulier, nous avons tout d’abord évalué avec les élèves ce qui était attendu ou pas en matière de demande de stage de visu (comportement, niveau de langue, types de phrase, syntaxe…). Une fois les attentes de ce type d’échange oral mises au propre, sous forme de tableau synthétique distribué à tous les élèves, nous sommes passés à la pratique. Tandis que moi ou un autre élève jouions le potentiel futur employeur, les futurs stagiaires devaient se présenter, expliquer la raison de leur présence dans l’enceinte de l’entreprise (fictive), donner leur convention de stage en expliquant quelles étaient les parties à compléter par le patron, répondre à d’éventuelles questions…
Lorsqu’un élève passait, les autres devenaient observateurs critiques (de manière constructive seulement !). Le tableau synthétique bien en tête car rappelé en début de séance, ils devaient noter sur une feuille de brouillon les aspects positifs et ceux négatifs de la prestation orale de leur camarade. Chaque saynète donne effectivement lieu à un retour de ce qui a été observé, afin de réfléchir ensemble à des améliorations, afin d’avoir une diction plus fluide, un comportement où l’angoisse se remarque moins, bref, afin d’être préparé au mieux à une demande réelle de stage.
Ceci a permis aux élèves demandeurs de stage de se sentir plus à l’aise, plus en confiance avec cet exercice. L’un d’entre eux a même eu le courage d’aller faire sa demande seul, et a obtenu son stage ! Quelle fierté il ressentait lorsqu’il est venu me l’annoncer !
1 http://www.cahiers-pedagogiques.com/Pourquoi-l-oral-doit-il-etre-enseigne
Emmanuelle Gérard,
coordonnatrice ULIS Collège
Collège Jean Moulin de Montceau-les-mines