Arts plastiques en ULIS TFM
C’est une Ulis peu ordinaire que l’Ulis « troubles des fonctions motrices ». Sur les huit élèves du dispositif, six sont en fauteuil, une n’a pas l’usage de ses membres supérieurs, un autre n’a l’usage que d’une main, tous ont des troubles praxiques plus ou moins importants, et tous ont un rapport au corps dont leur enseignante, valide et en bonne santé, n’a pas vraiment idée…
Je pourrais parler de notre projet artistique de danse inclusive, avec une classe de CE1 d’une autre école, mais l’inclusion n’étant pas d’actualité en ces temps de protocole sanitaire, c’est un projet qui évolue pour l’heure vers des activités plastiques.
Je pourrais parler du décloisonnement hebdomadaire en arts plastiques avec la classe de CP de l’école, où nous découvrons ensemble des œuvres d’artistes, travaillons le dessin d’observation, « célébrons plastiquement » les événements qui marquent les saisons ou les fêtes, testons diverses techniques… Moments pas toujours confortables pour les élèves de l’Ulis, pas toujours en contact rapproché avec les élèves de l’autre classe, parce qu’un fauteuil électrique, ce n’est pas facile à caser à une petite table de CP… Parce qu’il n’est pas facile de coller quand on n’a l’usage que d’un seul bras, pas facile de peindre quand on ne voit que d’un œil, ou que la coordination œil/main est défaillante. Moments néanmoins attendus par les élèves du dispositif, toujours ravis de partager du temps avec leurs « collègues » des classes voisines.
Mais lorsque je propose, durant des temps sur le dispositif, en tout petit groupe, « entre nous », d’autres moments de proximité avec l’art… plus libres, simplement à partir d’une observation d’œuvre, ou à partir de matériel mis à disposition : c’est là je crois, que la magie opère. Car si pour eux, l’objectif de création est souvent peu valorisant, soit parce qu’ils ont voulu travailler en autonomie et que le résultat ne correspond pas à ce qu’ils escomptaient (déception de tant d’enfants, mais aussi d’adultes en situation !), soit parce que l’aide qui leur a été apportée (par un adulte ou par un pair), leur renvoie une fois de plus l’image d’assisté qui est souvent la leur, les temps de « patouille » avec la peinture à doigt, le « lâcher de paillettes » sur les cartes de Noël, la peinture à glaçons, les découvertes surprenantes de traces, de mélanges avec l’encre ou la peinture, les expériences visuelles et odorantes avec la pâte à modeler fabriquée en classe, sont souvent des moments de plaisir intense pour chacun de mes élèves. Et qu’importe au final la trace qui en reste… ce qui importe surtout, c’est le plaisir individuel et partagé, c’est l’expérience, le sensible. Et quoi de plus pertinent que le souvenir du plaisir des sens ou l’éveil de la sensibilité, pour dire que l’on a réussi une rencontre avec l’art ? Challenge d’autant plus difficile à atteindre en ces temps de restrictions, d’interdiction de sortie et de lieux culturels fermés !
En ces temps de protocole sanitaire, la distanciation physique ne laisserait place, si l’on y prend garde, qu’aux actes quotidiens, médicaux, « essentiels » nous dit-on. Comme si les contacts amicaux, rassurants, consolateurs, encourageants, ne l’étaient pas ! La place du toucher, si importante et parfois si éprouvante pour mes élèves régulièrement hospitalisés, quotidiennement manipulés, a été bien mise à mal par ce contexte . Alors, c’est par l’expérience sensorielle et sensible que nous approchons l’art en Ulis TFM. Entre 2 passages d’infirmières, entre 2 séances de rééducation, entre 2 journées d’hospitalisation.
Célia Schuhler, enseignante en ULIS TFM