Projet « Jeux coopératifs pour mieux vivre ensemble »

Projet Jeux coopératifs pour mieux vivre ensemble

L’école est le lieu où les élèves apprennent à vivre ensemble : la responsabilité, l’autonomie, l’ouverture aux autres, le respect de soi et d’autrui, la solidarité, la coopération. Toutes ces compétences sociales et civiques à acquérir seront indispensables tout au long de leur vie, au-delà de leur scolarité, pour réussir sa vie en société et exercer librement sa citoyenneté.

Vivre ensemble est par nature difficile.

Et pour les enfants porteurs de TSA ?

Le trouble du spectre de l’Autisme entraine le plus souvent des difficultés dans le domaine de la communication et des interactions sociales, un appauvrissement des relations. Les enfants porteurs de TSA expriment souvent un sentiment de solitude et le regret de ne pas avoir d’amis ou d’en avoir peu.

A la rentrée de septembre 2020, comme cinq nouveaux élèves suivis par le SESSAD allaient arriver à l’ULIS TSA de Crissey, les questions ont commencé à fuser :

  • Comment améliorer leurs capacités de communication, d’intégration dans un groupe déjà existant ?
  • Comment susciter les interactions entre eux et avec les autres enfants de l’école ?
  • Comment adapter sa pédagogie pour leur permettre de réussir ?

En tant qu’enseignante spécialisée au sein du SESSAD TSA, tout ce questionnement posé fin juin 2020 avec l’équipe pluridisciplinaire du SESSAD et l’enseignante du dispositif ULIS TSA a fait naître un projet collaboratif «Jeux coopératifs pour mieux vivre ensemble».

A la rentrée de septembre 2020, 5 nouveaux élèves suivis par le SESSAD arriveront à l’ULIS TSA.

Pour les aider à dépasser cela, il nous a paru essentiel de nous tourner vers des jeux coopératifs où la compétition n’est plus de mise et où le groupe doit se souder pour obtenir un résultat.

Qu’est-ce que le jeu coopératif ?

Il repose sur la poursuite d’un objectif commun pour tous les joueurs. Au lieu de jouer en opposition les uns contre les autres, les joueurs jouent conjointement ou ensemble pour réaliser un objectif commun, hors de tout esprit de compétition, qui ne sera réalisé que par l’entraide et la solidarité entre eux.

Objectifs du projet :

  • Plaisir de jouer sans gagnant ni perdant, s’amuser sans expérimenter de frustration liée à l’échec
  • Accepter l’autre comme un allié et faire équipe pour contribuer à la réussite de la tâche à accomplir
  • Valoriser les capacités de chacun et développer l’estime de soi
  • Communiquer pour établir une stratégie commune et se concerter pour trouver une solution à un problème

Finalité du projet

  • Temps de jeux coopératifs avec des enfants d’autres classes de l’école
  • Rencontre jeux coopératifs avec la participation des parents
  • Rencontre jeux coopératifs avec une autre classe (ULIS, IME…)

Mise en œuvre du projet

Le projet a débuté le mardi 15 septembre. La séance hebdomadaire dure 45 minutes, le mardi à partir de 15h 45, dans les locaux du dispositif. Elle regroupe les 8 élèves du dispositif, 2 enseignantes spécialisées (ULIS TSA/ SESSAD), 1 éducatrice du SESSAD et les AESH. En amont, des rencontres régulières entre la coordinatrice ULIS TSA et l’équipe SESSAD ont été organisées pour préparer les séances et les ajuster aux besoins des enfants (structuration du temps, de l’espace, outils visuels….). Une reprise du groupe a été faite en fin de période 1 avec l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire du SESSAD.

Séance de la période 1 (septembre/Octobre)

Pour rendre l’environnement sécurisant, chaque séance est ritualisée. Elle nécessite une organisation matérielle avec nombreux supports visuels et balisage, une visualisation du temps et du programme de la séance, une ritualisation de la communication :

  • Établir la communication avant de donner une consigne simple et concrète, utilisation de pictogrammes
  • Parler, de façon uniforme, en termes de comportements attendus

Pour certains enfants, les jeux suscitent des difficultés de coordination. La description et la démonstration des gestes nouveaux sont insuffisantes : guider le geste physiquement est à utiliser selon le degré d’acceptation de l’élève.

Rituel d’accueil : avant de rentrer dans la salle, chaque enfant visualise les tâches à réaliser au moyen d’un chainage de pictogrammes affiché sur la porte d’entrée. Dans la salle, les chaises qui accueilleront les enfants sont placées en cercle.

Pour marquer la présence de chacun, chaque enfant prend un petit bonhomme et le colle sur un visuel représentant le cercle des chaises.

Une fois tous les enfants bien assis, la séance peut commencer par un rituel : les enfants se passent un objet sonore et reproduisent un son.

Un emploi du temps visuel adapté aux compétences de chacun est affiché sur un tableau. Il aide à la compréhension du déroulement d’activités successives au cours de la séance et permet à l’enfant se projeter dans chacune d’entre elles.

Un grand timer permet de visualiser le temps qui passe. 

Pour créer une situation qui va nécessiter de la coopération et une émulation dans le groupe, le défi lancé est de découvrir Célestin petit fantôme qui permettra aux enfants de regarder une vidéo de ses aventures à la fin de la séance. Pour chaque jeu, les enfants doivent atteindre un objectif commun.

1er jeu : les paires

Objectif commun : obtenir un jeton de couleur pour remplir la silhouette du chien

Déroulement : Faire découvrir les cartes aux enfants. Ils découvrent que les animaux sont tous par 2. Plonger les animaux dans un sac, puis chaque enfant prend une carte. Au signal, l’enfant doit chercher son double, lui donner la main et se placer dans un cerceau. Une fois la paire constituée, chaque duo reçoit un pion de couleur. Il complète la silhouette du chien avec celui-ci. Puis, on recommence. La partie est finie quand le chien est complété.

Difficultés repérées : temps de latence nécessaire pour certains enfants, difficultés motrices pour changer de position, repères spatiaux difficiles à trouver, troubles attentionnels.

Réussites : augmentation de la motivation, désir de réussir, amélioration des relations pendant le jeu, entraide. Un joueur, parfois deux vont dire aux autres comment ils doivent jouer et les aider à organiser les déplacements.

2ième jeu : Pêcheur/ Filet

Objectif commun : gagner une pièce de puzzle pour réaliser le dauphin

Disposition

Les participants circulent librement dans l’espace délimité par le cercle de chaises.

Déroulement

L’animateur lance le jeu, les enfants circulent librement, lorsque l’enseignant montre lacanne à pêche ou le pêcheur, les enfants exécutent rapidement les figures alternativement énoncées.

Canne à pêche : les participants forment un cercle, le plus grand possible, en se donnant la main

Pêcheurs : les participants se regroupent rapidement par deux.

A chaque figure réussie, le groupe remporte une pièce de puzzle.

Une fois la figure exécutée par tous, l’enseignant relance le jeu et les participants circulent à nouveau, jusqu’au nouvel arrêt et à la nouvelle figure annoncée.

La partie est finie quand toutes les pièces du dauphin sont placées.

Difficultés repérées : s’engager pour faire une ronde, réagir à un signal et s’organiser spatialement, accepter le contact de l’autre, passer d’une consigne à l’autre

Réussites : développement de la motivation et de l’émulation collective, plaisir de réussir ensemble, meilleur expression des émotions (cris de joie, gestes de victoire…), atmosphère de confiance, bonne compréhension des consignes

3ème jeu : coopérons en parachute

Objectif commun : découvrir les pièces restantes de Célestin petit fantôme

La vague : Demandez à tous les enfants de prendre une poignée du parachute. Tout le monde se place en petit bonhomme et, au signal de l’enseignante, les enfants se lèvent à tour de rôle en levant le parachute avec eux pour faire une vague.
La mer : Chaque enfant prend une poignée et il s’agit simplement d’agiter le parachute. Commencez par des vagues toutes douces pour augmenter progressivement la force et terminer avec une véritable tempête en mer!

Le bateau : placer la balle sur la toile. Le but est de la faire rouler vers un partenaire sans qu’elle sorte de la toile. L’entraide est importante au sein du groupe.

La partie est finie quand Célestin est découvert.

Difficultés repérées : difficultés praxiques pour tenir le parachute, manque de force, difficultés gestuelles,

Réussites : prise de conscience que les actes de chacun ont des conséquences sur les autres, amélioration de la communication, de l’expression de leurs émotions et de l’entraide à la réussite collective

Rituel de fin (retour au calme) Avez-vous vu ce que j’ai caché derrière mon dos ?

Disposition : les joueurs sont placés en cercle assis sur des chaises. Des objets connus des enfants sont placés au sol au centre du cercle.

Déroulement

L’enseignante montre et nomme chaque objet. Elle désigne un enfant qui deviendra le meneur de jeu. Celui-ci dit aux autres : «Fermez les yeux ». Les enfants ferment les yeux. Pendant ce temps, le meneur choisit un objet et le cache derrière son dos, puis il demande : « Ouvrez les yeux, quel objet se cache dans mon dos ? ». Il interroge ses camarades qui lèvent le doigt. Celui qui trouve devient meneur. Le rituel dure environ 5 minutes.

Difficultés repérées : permanence de l’objet, théorie de l’esprit, tour de parole, expression de la consigne, tenir le rôle de meneur de jeu, décalage pour suivre la consigne, manque d’inhibition

Réussites : respect des règles, motivation grandissante, meilleures capacités attentionnelles, respecter les codes sociaux pour demander la parole

Visionnage de l’épisode de Célestin dans l’espace Cinéma de la classe

Rangement de la salle par tout le groupe

Débriefing

A l’issue de chaque séance, un débriefing va constituer un moment propice à l’expression des difficultés relationnelles apparues au cours du jeu, puis à une réflexion sur les solutions à envisager entre les enseignantes, l’éducatrice du SESSAD et les AESH.

Ce temps suscite le débat autour de questions telles que :

  • Comment les enfants ont vécu l’activité ?
  • Se sont-ils sentis à l’aise dans les différents jeux ? Pourquoi ?
  • Quelles stratégies ont-ils mis en place pour répondre aux consignes ?

Comme a pu l’écrire Vincent Castagnino dans l’article « Regards croisés sur l’accessibilité des apprentissages en classe » la mutualisation des regards croisés des professionnels (enseignantes, éducatrice, AESH) permet « d’envisager conjointement des stratégies et des outils adaptés aux besoins des élèves ». Entre la première et le cinquième séance, plusieurs séances de préparation ont permis à chaque adulte de faire part de ses observations et de proposer des adaptations, des outils visuels, une meilleure organisation spatiale et temporelle pour favoriser la progression des enfants. La reprise du groupe avec l’équipe pluridisciplinaire du SESSAD donne à chaque professionnel des pistes de travail pour aider chaque enfant à progresser et à transférer des apprentissages travaillés en séance individuelle vers le groupe jeux coopératifs dans le dispositif. Les outils visuels utilisés pour structurer le temps et l’espace, la ritualisation de la séance et le lancement d’un défi commun sont indispensables.

A l’issue de cette première période, nous pouvons observer que la plupart des enfants s’investit dans l’activité, ils s’amusent sans expérimenter de frustration liée à l’échec.

Ils commencent à accepter l’autre comme un allié et faire équipe pour contribuer à la réussite de la tâche à accomplir.

Ce n’est que le début, nous espérons que l’expérience à venir nous réservera de belles surprises….

Béatrice Poiseau
Enseignante spécialisée SESSAD-TSA Virey-le-Grand
Karine Lebrun
Enseignante spécialisée ULIS TSA Crissey
En collaboration avec l’équipe du SESSAD TSA de Virey-le-Grand