Chers collègues,
A l’occasion du thème choisi pour cette newsletter, me voilà invitée à vous faire part de ma petite expérience et de mes réflexions sur les arts plastiques et les élèves à besoins éducatifs particuliers.
Alors voilà, j’ai commencé ma carrière d’institutrice dans l’enseignement spécialisé : avec ce qu’on appelait les classes de perfectionnement, puis à l’EREA en tant qu’éducatrice où j’animais un atelier de sculpture.
Ces cinq années m’ont beaucoup apporté pour mon enseignement futur. J’ai gardé de ces débuts la conviction profonde de l’importance des projets pour donner du sens à l’ensemble des domaines d’apprentissages. Un projet donne une direction : on propose un début de chemin et on tire le fil. Les élèves s’impliquent, s’approprient, prennent goût à apprendre, nourrissent à leur tour les recherches et surtout font des liens.
Et comme j’ai toujours été attirée par les arts plastiques, j’en ai fait profiter mes élèves. Tous les ans, quel que soit leur profil, j’ai voulu leur donner un accès à l’art : par la rencontre avec des œuvres, et par la pratique plastique.
Que ce soit dans les classes spécialisées ou dans les autres classes, j’ai des souvenirs d’élèves en grande difficulté d’apprentissage et/ou de comportement qui, alors qu’on leur donne la possibilité de dessiner, de peindre, de manipuler des matériaux, d’utiliser de vrais outils …
se révèlent
par une capacité de concentration insoupçonnée,
une écoute de l’autre inhabituelle,
un instant de fierté retrouvée,
une assurance du geste révélée,
un trait d’humour,
une parole poétique…
ou ne veulent plus s’arrêter !
Que d’émotions. Et c’est pareil quand on s’exprime sur les œuvres d’art : mettre des mots sur ses émotions à propos d’une œuvre permet à ces élèves de dévoiler leur hypersensibilité, leur émotivité souvent très poétique, leur manière de penser et de percevoir le monde parfois si différente.
Cette réflexion me ramène à ma découverte de l’Art Brut, lors d’une visite à la Fabuloserie à Dicy dans l’Yonne, devenue le plus grand refuge des artistes hors normes qui peignent, sculptent, dessinent à l’ écart des circuit artistiques professionnels. Cet art hors-les-normes m’a tellement impressionnée, par la poésie, l’humour, la force de vie qui se dégagent de ces œuvres déroutantes, réalisées dans une sorte d’urgence vitale, souvent avec peu de moyens. Souvenir du Manège de Petit Pierre…
Alors, en tant que conseillère pédagogique en Arts Plastiques pour le département, j’ai veillé à ce que mes propositions de projet parviennent à tous les enseignants, y compris dans les établissements spécialisés. C’est pour moi un enjeu majeur de l’école : tous les élèves, quels qu’ils soient, doivent pouvoir faire l’expérience de l’art et de la créativité durant leur scolarité. Toutes deux participent au développement global de la personnalité, dans son développement individuel et relationnel, car la pratique artistique permet d’offrir d’autres moyens d’expression et de communication.
Je n’ai pas eu l’occasion de faire des propositions spécifiques en direction des élèves à besoins éducatifs particuliers. Je n’ai pas reçu moi-même de formation dans ce domaine. Je m’en remets à la compétence des enseignant.e.s qui côtoient ces élèves dans leur pratique quotidienne. Alors les enseignants spécialisés participent aux mêmes temps de formation que leurs collègues, et ce brassage d’expérience est intéressant aussi. Chaque enseignant, spécialisé ou pas, est invité à adapter les propositions de démarches à son groupe classe.
Le cadeau est pour moi, quand, en fin de projet, toutes les réalisations des élèves arrivent à la médiathèque de Mâcon pour l’exposition collective…
Projet Ma maison, ma cabane,
IME et ITEP de Cruzille, 2018-2019
Martine Dussauge, CPD Arts plastiques 71, février 2021